Qu’est-ce que le retrofit moteur thermique vers électrique ?
Le retrofit, c’est cette idée simple mais ambitieuse : ôter le moteur thermique d’un véhicule existant pour le remplacer par une motorisation électrique. Une transformation radicale, visant à prolonger la durée de vie d’un véhicule tout en réduisant son impact environnemental. Ce processus implique le retrait du bloc essence ou diesel, de la boîte de vitesses (dans certains cas), du système d’échappement et du réservoir, pour y installer un moteur électrique, des batteries lithium-ion et une électronique de contrôle adaptée.
Le concept est loin d’être nouveau — il a émergé dès les débuts de l’électrification — mais il connaît un regain d’intérêt en France depuis l’arrêté du 13 mars 2020 qui encadre ce type de modification. Dès lors, une filière s’est structurée, portée par des startups comme Transition-One, REV Mobilities ou Phoenix Mobility, mais aussi par des artisans mécaniciens qui voient dans le retrofit une alternative viable à la mise au rebut des véhicules anciens.
Mais derrière l’intérêt écologique et technologique, une question cruciale demeure : est-ce économiquement pertinent ?
Combien coûte un retrofit aujourd’hui ?
Le coût d’un retrofit varie sensiblement selon le type de véhicule, la puissance souhaitée, l’autonomie visée et la complexité de l’opération. Pour un petit véhicule urbain comme une Renault Twingo ou une Peugeot 106, il faut compter entre 12 000 et 16 000 € pour une prestation complète, homologation comprise.
Voici les principaux postes budgétaires :
- Le moteur électrique : environ 2 500 à 4 000 €, selon la puissance.
- Le pack batteries : souvent entre 4 000 et 7 000 € pour une autonomie de 100 à 150 km.
- La main-d’œuvre : jusqu’à 5 000 €, selon la durée des travaux (comptez 4 à 8 semaines).
- L’électronique de gestion : calculateur, convertisseur, interface de recharge, environ 1 000 à 2 000 €.
- L’homologation : une procédure obligatoire (normes UTAC) qui ajoute entre 1 000 et 2 000 €.
- Le bonus écologique retrofit : il s’élève à 2 500 € pour un véhicule léger particulier et jusqu’à 5 000 € pour une fourgonnette électrique dédiée au transport de marchandises.
- Les aides locales : certaines régions (Île-de-France, Occitanie, Grand Est) proposent des subventions jusqu’à 3 000 €, cumulables avec les aides nationales.
- Accès aux ZFE (Zones à Faibles Émissions) : certaines entreprises ou professionnels peuvent ainsi continuer à utiliser leurs véhicules dans les centres-villes, évitant l’achat d’un nouvel utilitaire.
- Véhicules de collection ou atypiques : le retrofit devient une solution de préservation qui conjugue nostalgie et modernité.
- Flottes professionnelles : véhicules d’intervention, d’artisans, de collectivités — pour qui un retrofit groupé peut être amorti à moyen terme.
- Les batteries : placées soit dans le coffre, soit sous le plancher, elles doivent être protégées et refroidies correctement pour garantir la longévité.
- L’équilibrage des masses : le retrofit modifie profondément le centre de gravité du véhicule, ce qui nécessite parfois une modification du châssis ou de la suspension.
- Le freinage : certains véhicules nécessitent une conversion vers un système de freinage assisté adapté au couple instantané du moteur électrique.
- La Renault Twingo rétrofitée par Transition-One : une autonomie limitée à 100 km, mais un concept viable en milieu urbain à environ 14 000 € avant aides.
- Le Renault Trafic électrique de la société REV Mobilities : utilisé par des artisans pour des livraisons en centre-ville, aujourd’hui rentabilisé en moins de 5 ans.
- La Porsche 911 rétrofitée (projet de passionné) : un ovni technique, 200 km d’autonomie, mais un budget à six chiffres — ici, la rentabilité n’est clairement pas le moteur.
- Abaisser les coûts — notamment sur les batteries, encore trop chères.
- Simplifier les procédures d’homologation — potentiellement par type de modèle et non à l’unité.
- Former les acteurs de terrain — mécaniciens, garages, carrossiers — aux spécificités de l’électrique.
Inutile de le nier : c’est un investissement conséquent. D’autant plus remarqué qu’il s’applique à des véhicules qui, parfois, ne valent plus grand-chose à l’argus. Mais devons-nous raisonner en termes de valeur marchande, ou en termes de pérennité et d’impact carbone ?
Les aides financières disponibles
Heureusement, deux mécanismes permettent de réduire la facture :
En combinant ces différents leviers, il est possible de descendre sous la barre des 8 000 à 9 000 € pour un retrofit simple. Mais cela reste loin des budgets serrés que visent souvent les conducteurs d’anciens véhicules thermiques.
Le retrofit est-il rentable par rapport à l’achat d’un véhicule électrique neuf ?
La réponse n’est pas aussi simple qu’un calcul basique de rentabilité. En comparaison avec une Dacia Spring neuve (le modèle électrique le plus abordable du marché à 19 000 € bonus déduit), le retrofit peut sembler cher et techniquement limité. La plupart des véhicules rétrofités n’offrent qu’une autonomie modeste (100 à 150 km), une recharge lente, et des performances en retrait par rapport à une électrique conçue d’usine.
Mais là où le retrofit gagne du terrain, c’est sur le plan écologique et patrimonial. Transformer une vieille 2CV, une Méhari, une Twingo ou même un utilitaire comme un Renault Trafic en version zéro émission, c’est éviter la casse d’un véhicule encore fonctionnel tout en conservant une partie de son identité. Car oui, pour certains conducteurs, la voiture n’est pas qu’un moyen de transport, c’est un compagnon de route.
Le retrofit peut aussi s’avérer rentable dans les cas suivants :
À l’échelle d’un particulier en revanche, la rentabilité directe reste difficile à atteindre. Comptez plusieurs années (souvent plus de 8 ans) pour amortir le surcoût par rapport à un véhicule thermique équivalent, tous frais compris.
Quelle fiabilité pour un véhicule rétrofité ?
Les kits de retrofit certifiés sont aujourd’hui soumis à un cahier des charges strict, validé par l’UTAC et les services de l’État. Toutefois, la qualité finale dépend pour beaucoup du sérieux de l’installateur et de la compatibilité du modèle d’origine.
Les points à surveiller :
Dans l’ensemble, un véhicule bien rétrofité peut offrir une expérience de conduite agréable, silencieuse et robuste. Mais la prudence reste de mise : exigez toujours le détail des composants, les fiches techniques des batteries, et une garantie d’au moins deux ans sur l’installation.
Quelques exemples concrets
Quelques projets ont attiré l’attention de la communauté automobile ces dernières années :
On observe d’ailleurs une tendance croissante chez les jeunes collectionneurs à « verdir » leurs oldtimers : pas pour faire des économies, mais pour pouvoir rouler longtemps encore sans craindre les restrictions de circulation.
Quelles perspectives pour le retrofit en France ?
Les freins sont encore nombreux : un coût élevé, un réseau de garagistes encore balbutiant, une homologation au cas par cas qui allonge les délais. Néanmoins, les pouvoirs publics semblent encourager la filière. Le récent plan France 2030 prévoit d’augmenter les soutiens à l’économie circulaire, dans laquelle le retrofit s’inscrit naturellement.
Pour que le mouvement prenne vraiment, il faudra :
Le retrofit ne remplacera jamais la production de masse de véhicules électriques. Mais il peut, à sa manière, désengorger le marché du neuf, limiter la casse de véhicules encore fonctionnels, et répondre à des besoins très spécifiques. Dans une époque où chaque kg de CO₂ compte, prolonger la vie d’un véhicule existant devient un acte aussi économique qu’écologique – ne serait-ce que pour quelques milliers de kilomètres de plus.
